
© Mattia Micheli
10 avr. 2025
(ou comment une fondation d’altitude a déboulé à Milan avec du gazon, du rouge vif et un sens très personnel de la narration)
La Fondation Bugnon a pris part à la 14e édition de la MIA Photo Fair BNP Paribas, qui s’est tenue du 19 au 23 mars 2025 à Milan, dans les entrailles lissées du Superstudio. Une grande foire où se croisent 13’000 visiteurs, 3’000 collectionneurs, 450 journalistes, et une faune dense d’institutionnels, de directeurs de foires et de gens qui savent exactement à quelle hauteur accrocher une œuvre pour qu’elle “respire”. Bref, une belle assemblée où la photographie contemporaine est traitée avec sérieux, soin, et une légère obsession pour les murs blancs bien droits.
Invitée dans la section FOCUS Svizzera, curatée avec élégance par Rischa Paterlini, la Fondation Bugnon présentait le journal visuel d’Henri Guette, curateur invité en 2024 dans le cadre de la Grande Résidence à Château-d’Œx. Ce journal, œuvre d’Henri, imprimé au laser sur papier (low-tech, high-concept), était une sorte de récit de montagne décomposé, fragmenté, poétique et joyeusement indiscipliné — entre carnet de bord d’altitude et tentative éditoriale de dérapage contrôlé.
Anne-Charlotte Finel, l’autre moitié du binôme en résidence pendant l’été 2024, était elle aussi présente à sa manière: une carte postale, tirée d’un still vidéo réalisé au chalet, attendait les visiteurs. Autant dire qu’elle n’a pas fait long feu: arrachée, collectionnée, glissée dans les sacs de marque (la présence de politiciens étant limitée, les sacs n’étaient donc pas des contrefaçons), elle a mystérieusement disparu par centaines. Un effet souvenir, une aura magnétique — et peut-être le seul objet réellement gratuit de toute la foire.
Le stand, quant à lui, rouge pompier au mur et gazon au sol, ne passait pas inaperçu. Un clin d’œil facétieux (et assumé) à l’univers du chalet des Moulins, lieu emblématique de la Fondation. Scénographie franche, directe, un brin alpine-pop, elle plantait un décor singulier, presque théâtral, au milieu des présentations plus sages. Une invitation à entrer dans un espace habité, vivant, un peu cabane, un peu hallucination de curateur après trois semaines sans descendre en plaine (ou sans descendre tout court).
Jean-Marie Reynier, président et directeur artistique de la Fondation, participait au talk Sguardi Elvetici, aux côtés de Rischa Paterlini et de Daniel Schmid, représentant de la Julius Bär Art Collection, qui présentait aussi une sélection d’œuvres issues de la collection privée de l’institution bancaire. La discussion a permis de croiser des perspectives sur l’art suisse, les résidences artistiques et cette question brûlante que peu osent formuler trop fort: comment soutenir réellement les artistes sans passer par le circuit anesthésiant des dispositifs étatiques pilotés par des fonctionnaires qui confondent souvent “accompagnement” et tableur Excel? Une conversation dense, parfois piquante, où l’on a senti poindre un désir commun de sortir des logiques de gestion culturelle pour renouer avec des formes de confiance, de risque et de durée.
La qualité générale des propositions à la MIA, tant du côté des galeries que des projets institutionnels, offrait un contexte dense et exigeant — parfait pour cette première participation de la Fondation Bugnon, qui a su y faire entendre sa petite musique, quelque part entre le bruissement des forêts suisses et le tumulte des conversations en italien sur le dernier tirage mat ou satiné (sans parler de la qualité des scan!).
Et comme un bon risotto ne se conçoit pas sans une poignée de parmesan affiné, la Fondation a profité de l’occasion pour rappeler que les lauréats de la Grande Résidence 2025 sont 100% d’origine contrôlée italienne: Rischa Paterlini et Federico Cantale. Une manière savoureuse et parfaitement assumée de prolonger l’osmose transalpine — entre intuition curatée et affinités électives.









